La Cour des comptes alerte sur les difficultés posées par le e-commerce dans la collecte de la TVA dans un rapport publié en novembre 2019. Elle estime avec l’Insee que la fraude à la TVA représenterait un manque à gagner "de l’ordre d’une quinzaine de milliards d’euros" par an pour l’État.
La fraude a des causes multiples qui renvoient tant à la complexité de la loi fiscale et sociale qu’à des déterminants économiques et sociologiques. Ses effets ne se limitent pas à la seule dimension budgétaire : ils affectent la distribution des richesses dans un sens favorable aux fraudeurs et faussent le fonctionnement des marchés et des processus concurrentiels. Ils sapent le pacte républicain en affaiblissant le principe d’égalité devant les prélèvements obligatoires.
Un phénomène difficile à appréhender
Dissimulée par essence, la fraude est difficile à appréhender. Par ailleurs, le débat public fait référence à la notion de fraude pour qualifier des actions et des comportements très hétérogènes. C’est pourquoi la Cour a pris soin de définir quatre notions-clés relevant du domaine de l’évitement des prélèvements obligatoires :
- l’optimisation, qui désigne le fait pour un contribuable de choisir, parmi les possibilités offertes par la loi, celle qui apparaît la moins coûteuse ; il s’agit donc d’un comportement légal.
- l’évasion fiscale, qui qualifie l’ensemble des opérations destinées à réduire le montant des prélèvements dont le contribuable doit normalement s’acquitter, et dont la régularité est incertaine. Les irrégularités fiscales, qui regroupent l’ensemble des comportements, volontaires ou non, de bonne ou de mauvaise foi, qui aboutissent à diminuer le montant d’un prélèvement obligatoireles irrégularités relèvent donc dans certains cas d’erreurs commises par le contribuable, et dans d’autres cas, de comportements frauduleux.
- la fraude fiscale, décrite à l’article 1741 du code général des impôts, qui implique une violation délibérée et consciente de la réglementation en vigueur.
- de même la fraude aux cotisations sociales définit les comportements délibérés de travail dissimulé qui ont notamment pour but d’éluder tout ou partie des contributions dues.
La notion d’écart fiscal
Par ailleurs, la Cour fait également référence à la notion d’écart fiscal. Principalement utilisée par les économistes, cette notion désigne la différence entre ce qui devrait être recouvré si la loi fiscale et sociale avait été parfaitement respectée et ce qui a été effectivement recouvré. L’écart fiscal va au-delà des seules irrégularités puisqu’il concerne aussi les sommes non recouvrées du fait de l’insolvabilité d’un contribuable ou des remises gracieuses qui lui auraient été accordées. Ces différentes notions ne présentent pas un égal intérêt pour un travail de chiffrage, tel que celui qui a été confié à la Cour. En réalité, seules peuvent être estimées avec rigueur les irrégularités (erreurs et fraude) telles qu’elles sont appréhendées par les redressements issus des contrôles fiscaux.
Le développement du commerce en ligne a ainsi généré des opportunités de fraudes importantes en matière de TVA et pose un véritable défi aux services de contrôle, compte tenu de la difficulté de réaliser un contrôle sur des opérateurs virtuels et ne disposant pas d’établissements stables sur le territoire national. Cour des Comptes, nov. 2019.
Une estimation par la Cour de la fraude à la TVA de l’ordre d’une quinzaine de milliards d’euros, mais qui appelle une poursuite des travaux.
Les travaux menés à l’occasion de la présente enquête par la Cour et l’Insee sur la TVA ont mis en œuvre une méthode « ascendante » avec correction des biais de sélection. Ils aboutissent à un ordre de grandeur de l’ordre d’une quinzaine de milliards d’euros. Toutefois, comme le souligne l’Insee, "du fait du calendrier très resserré pour effectuer cette étude et de l’existence de biais de sélection et de détection qu’on ne peut pas parfaitement corriger", il n’est pas possible à l’heure actuelle d’être complètement assuré de la totale robustesse de ces chiffrages. Il faut donc continuer ces travaux et les approfondir, voire recourir à des estimations fondées sur des contrôles aléatoires pour conforter cette estimation ou la faire évoluer.
Un chiffrage est une chose. Le corollaire non chiffrable est le manque d’activité économique consécutif à la distorsion concurrentielle.
Source: Cour des Comptes, nov. 2019.
