Une enquête de 2016 à 2018 menée par le bureau anti-fraude de l’UE, l’OLAF, nous enseigne comment un réseau criminel chinois réussit à éviter de payer au moins 2,5 milliards d’euros de droits de douane dans six pays de l'UE depuis 2015.
Le flux de marchandises commercialisées illégalement s’est déplacé depuis 2018 du Royaume-uni vers d’autres points d’entrée, notamment en Grèce, en Hongrie et en Slovaquie.
"Les enquêteurs affirment craindre que leurs conclusions ne soient que la partie visible de l’iceberg, les fraudeurs étant soupçonnés de cibler des plateformes de vente en ligne." Reuters, juin 2018.

Sur la base de ses conclusions, l’OLAF a adressé une recommandation financière aux douanes grecques pour récupérer 202,3 millions d’euros de droits de douane perdus liés aux valeurs frauduleusement sous-déclarées d'importations chinoises.
Le système de fraude opéré à partir de la Chine est très complexe, impliquant des dizaines de chauffeurs de camion, des documents frauduleux et des gestionnaires anonymes donnant des ordres précis aux conducteurs par téléphone sur le lieu de livraison de leurs marchandises, selon les enquêteurs.
Une fois que les marchandises ont été placées à l’intérieur de conteneurs, de fausses déclarations sont faites, donnant des valeurs fictivement basses pour les textiles et les chaussures afin que les importateurs puissent tirer profit de la fraude fiscale et payer beaucoup moins que ce qui est légalement dû.
Le matériel est ensuite chargé sur des camions avant que les chauffeurs ne soient envoyés sur des villes européennes telles que Florence et Barcelone.
Les enquêteurs ont également découvert que les fraudeurs chinois avaient créé des sociétés éphémères pour prendre en charge la livraison des marchandises. Ces entreprises disparaissent ensuite une fois que l’administration fiscale a pris connaissance de leur stratagème, pour renaître ailleurs.
En 2017, l’OLAF concluait que des gangs criminels chinois avait ciblé des ports du Royaume-Uni en utilisant le port allemand de Hambourg comme premier point d’arrivée en Europe. Cette enquête a conduit l’UE à infliger une amende de 2,7 milliards d’euros à Londres, qui n'a apparemment toujours pas été acquittée.
Les ports britanniques de Douvres et de Felixstowe étaient toujours les principaux centres de l’UE pour des millions de tonnes de marchandises à valeur sous-déclarée en 2017.
La décision de la Grande-Bretagne de quitter l’union douanière de l’UE aurait également pu persuader les groupes criminels qui supervisent cette entreprise de trouver de nouvelles voies pour faire entrer des produits chinois en Europe.
Les données de l’OLAF montrent que ce flux a presque cessé en 2018 en raison de contrôles plus stricts par les douanes britanniques
Le flux de marchandises commercialisées illégalement s’est désormais déplacé vers d’autres points d’entrée, notamment en Grèce, en Hongrie et en Slovaquie.
“Il est peut-être trop tôt pour tirer des conclusions, mais il est inquiétant que les fraudeurs envisagent désormais clairement les investissements dans les infrastructures comme une opportunité commerciale pour eux." Ernesto Bianchi, directeur des enquêtes de l'OLAF.
La Chine veut transformer le port grec du Pirée en sa porte d’entrée vers l’Europe dans le cadre de son initiative "Belt and Road", qui envisage une nouvelle route de la soie de routes terrestres et maritimes avec ses partenaires commerciaux. Le port commercial d'Athènes appartient en majorité à la société d’État chinoise Cosco Shipping depuis 2016.
Selon le plan, une voie ferrée et terrestre rapide relierait Athènes à la capitale hongroise, Budapest, à travers les Balkans. Les enquêteurs soupçonnent que les trafiquants auraient pu emprunter cette même route pour transporter des marchandises chinoises.
“Cette série de cas découverts par l’OLAF montre que les fraudeurs ciblent l’UE dans son ensemble en sélectionnant les points d’entrée où ils estiment que l’entrée est plus facile. Il est clairement nécessaire de renforcer la coopération entre les bureaux de douane des États membres afin de traiter de manière coordonnée avec ces réseaux qui opèrent au-delà des frontières et peuvent rapidement délocaliser leurs opérations et nuire aux budgets de l’UE et nationaux.” (OLAF).
Sources: Politico, Reuters, OLAF, Beltandroadforum.org.


