Il existait déjà une grande différence entre les seuils d'exonération de droits et taxes entre les trois pays membres de l'ALENA avant que la signature d'Obama du Trade Facilitation and Trade Enforcement Act (TFTEA) n'augmente cette valeur de $200 à $800 aux Etats-Unis alors que le seuil restait de $20 au Canada et $50 au Mexique: les très bas seuils de minimis au Canada et au Mexique empêchaient l'expansion du marché nord-américain.
L'administration Trump n'aura pas réussi à faire remonter les minimis de ses partenaires au niveau des américains tel que le souhaitait l'administration précédente.
Le seuil de minimis fait référence à la valeur des marchandises importées en deçà de laquelle aucun droit ni taxe n'est perçu. Par conséquent, le niveau du seuil de minimis dans un pays de destination influe sur le volume des expéditions de faible valeur exportées par un autre pays.
Nafta 2.0
En 1994, les États-Unis, le Mexique et le Canada ont créé la plus grande région de libre-échange au monde au moyen de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA/NAFTA), qui a donné lieu à une croissance économique et a contribué à élever le niveau de vie de la population des trois pays membres. En 2017, la valeur du commerce trilatéral de marchandises s’élevait à plus de $1,1 trillion USD, en faisant le deuxième plus grand bloc commercial au monde, juste après les 27 membres de l'Union européenne.
Lorsque l'ALENA a été négocié, les achats en ligne existaient à peine et les colis de faible valeur ne représentaient pas un aspect important du commerce international. À l'époque, le seuil de minimis pour les États-Unis n'était que de 200 dollars. En 2017, le nombre de colis livrés par le US Postal Service était passé de moins d'1 milliard en 1992 à 5,7 milliards en 25 ans.
Afin de "résoudre les enjeux commerciaux du XXI siècle et à promouvoir les débouchés pour le près d’un demi-milliard de gens qui vivent en Amérique du Nord" les accords tripartites devaient être revus.
Compte tenu de l'importance des achats sur Internet aujourd'hui et de l'intérêt des entreprises qui expédient des marchandises des États-Unis vers le Canada et le Mexique, "l'US Postal Service et Amazon, se sont longtemps opposées aux seuils très bas pour les services de douane imposés par le Mexique et le Canada", selon le Baker Institute.
Harmoniser les seuils pour faciliter le commerce
L'exonération des droits de douane et des taxes sur la valeur ajoutée (Mexique) ou des taxes de vente provinciales et nationales (Canada) pour les petits colis de valeur relativement faible expédiés des États-Unis faciliterait les ventes internationales des détaillants en ligne américains.
L'ACEUM (ou USMCA en anglais) est le résultat de la renégociation en 2017-2018 de l'ALENA par les États membres à la demande de l'administration Trump. Les États en avaient accepté, de manière informelle, les conditions le 30 septembre 2018 puis le traité fût officiellement signé le 30 novembre 2018 en marge du G20 à Buenos Aires. L'accord est entré en vigueur le 1er juillet 2020.
L'administration Trump cherchait à faire accepter au Canada et au Mexique une remontée de leurs seuils de minimis jugés très bas.
Les négociations tendues sur la révision de l'ALENA à la demande de l'administration Trump s'étaient alors principalement concentrées sur les demandes des États-Unis d'augmentation des seuils de minimis du Canada ($20) et du Mexique ($50) jugés très bas et défavorables aux exportations américaines alors que les États-Unis acceptaient des importations en franchises de droits de $800.
Les expéditions des États-Unis vers ses partenaires de l'ALENA étaient ainsi estimées bien en deçà de leur potentiel. Le rapport 'The Case for Raising de minimis Thresholds in NAFTA 2.0' du Peterson Institute for International Economics soulignait "les expéditions de faible valeur des États-Unis vers le Canada et le Mexique pourraient augmenter à environ 34 milliards de dollars par an, mais elles ont atteint moins de la moitié de ce niveau."
Mais bien que le rapport soutenait qu'il existait une marge substantielle d'expansion, les auteurs concluaient: "dans l'hypothèse où les expéditions des États-Unis vers le Canada et le Mexique pourraient présenter la même relation avec les acheteurs potentiels des ménages qu'aux États-Unis, la part des expéditions réelles de faible valeur vers le Canada et le Mexique est bien inférieure au potentiel."
Un arbitrage global vs. local
Au début des négociations de l'ACEUM en 2017, les États-Unis avaient proposé au Mexique et au Canada un seuil équivalent à $800 US. Mais ils appliquent tous les deux une taxe de vente nationale. A l'inverse, les États-Unis n’ont pas de taxe de vente fédérale et les États ne collectaient pas non plus la sales tax pour les sociétés n'ayant pas de présence physique jusqu'à l'arrêt South Dakota vs. Wayfair en juin 2018, le terrain de jeu y est donc différemment équilibré entre les ventes entrantes et locales.
Le Retail Council of Canada (RCC) écrit:
"Mais il n’y a aucune comparaison entre le Canada et les États-Unis.
- Premièrement, les États-Unis n’ont pas de taxe de vente fédérale. Par conséquent, aucun avantage en matière de taxe de vente fédérale n’est créé pour les expéditions entrantes. Les États-Unis ne collectent pas non plus les taxes de vente locales et d’État à la frontière ou pour les envois entre États (bien que cela puisse être le cas à l’avenir à la suite d’une décision récente de la Cour suprême des États-Unis), le terrain de jeu est donc beaucoup plus équilibré entre les ventes entrantes et locales.*
- Deuxièmement, les États-Unis dominent totalement leur propre espace de vente au détail en ligne, avec seulement 22% des clients américains déclarant avoir effectué un achat auprès d’un vendeur non américain. En revanche, 67% des Canadiens déclarent avoir effectué des achats transfrontaliers en ligne. L’ampleur des activités des entrepôts aux États-Unis est telle que les États-Unis peuvent facilement se permettre d’offrir un seuil de minimis élevé, tout en poussant les autres pays à augmenter leurs propres niveaux."
*Le RCC fait référence à l'arrêt South Dakota vs. Wayfair de juin 2018 qui voyait le début du prélèvement de la TVA à la source sur les plateformes selon les règles de chaque Etat.
Le 27 août 2018, les négociateurs canadiens ont convenu un seuil de minimis de 100 $ US (environ 128 $ CA) exonérés des droits de douane et de la taxe sur la valeur ajoutée de 16%. Bien que les États-Unis aient exercé beaucoup de pression à cause de la concession mexicaine, l’équipe canadienne a réussi à négocier un accord visant à plafonner l’exonération de la taxe de vente à 40 $ CA, tout en fixant une nouvelle limite de 150 $ CA exonérant uniquement les droits. Avant l'accord, le niveau de minimis du Canada était l'équivalent de $20 US.
Depuis le début des négociations avec les États-Unis, le Conseil canadien du commerce de détail s'était battu pour que les détaillants canadiens se sortent pas comme les grands perdants. L’équipe de négociation canadienne n’avait pas cédé aux demandes des États-Unis d’un seuil de minimis de 800 $ US et avait finalement concédé une fraction de ce que les États-Unis avaient demandé.
Les modifications apportées au nouvel auraient pu être dévastatrices pour les détaillants au Canada et pour les quelques 2 millions de Canadiens travaillant dans le secteur de la vente au détail". CCCD.
L'administration Trump avait exprimé sa déception à l'égard des négociateurs commerciaux qui avaient été «incapables d'obtenir des engagements plus ambitieux de la part du Canada et du Mexique».
L'ACEUM exigeait initialement que le Mexique augmente son seuil à 117 $ pour les droits de douane et à 50 $ pour les taxes sur la valeur ajoutée, tandis que celui du Canada devait augmenter à 150 $ CA (112,50 $ US) pour les droits de douane et à 40 $ CA (30 $ US) pour les taxes de vente nationales. Jusqu'alors, le Mexique percevait un taux de taxe forfaitaire de 16% sur les envois d'une valeur comprise entre 50 USD et 1000 USD, et un taux de taxe fixe de 20% sur les envois d'une valeur supérieure à 1000 USD, qui étaient tous en franchise de droits tant qu'ils étaient dédouanés par entrée informelle.
Le Mexique a finalement maintenu son seuil de 50 $ US pour la taxe de vente et a augmenté le seuil des droits de douane à 117 $ US. Pour les États-Unis, le seuil de minimis restait à 800 USD.
Un document de référence utile pour comprendre les seuils de minimis peut être consulté ici.